LE CEO PARLE DE LA RECONSTRUCTION: «À LAUSANNE, NOUS NE SOMMES PAS AVEUGLéS PAR LES BONS RéSULTATS»

Depuis que le Lausanne HC enchaîne les succès, la qualité de la reconstruction du club a été mise en avant. Mais concrètement, cela veut dire quoi? Le point avec Chris Wolf, CEO du club depuis septembre 2021 au plus fort de la tempête.

Chris Wolf met d'emblée les choses au point. On n'est pas là pour faire un grand bilan ni pour se projeter trop loin. Dans moins de 36 heures, «son» Lausanne HC accueillera les Zurich Lions pour l'acte IV de la finale et l'énergie doit être mise dans cette direction. Vrai. Cela ne veut pour autant pas dire qu'on ne peut pas évoquer cette finale avec le CEO du club et, plus important encore, la manière dont ce succès a été possible.

En près de 45 minutes, il a fini par probablement en dire plus que ce qu'il ne l'imaginait avec, au cœur de son discours, une volonté de n'oublier aucune personne ayant œuvré à cette reconstruction express. Interview entre fierté et humilité, un mot qui reviendra à de nombreuses reprises.

Chris, je te propose un jeu: on joue à «Ni oui, ni non, ni Svoboda». D'accord?

(Il rigole) Ça me va.

Plus sérieusement. Depuis plusieurs semaines, je loue le travail fait en coulisses et je ne suis évidemment pas le seul. Mais concrètement, tu arrives à lever un coin du voile sur ce boulot?

Je vois le point de départ en mai 2023. Nous avons réuni tous les employés du LHC Group. Le but était de réellement marquer un nouveau départ.

Cela tombe quelques mois après le changement d'actionnaire au club. Le timing est évidemment choisi.

Bien sûr. Nous avons pris deux mois pour peaufiner une stratégie et une vision pour ces prochaines années. Mais ce jour-là, c'était fantastique. Nous avons partagé les différents métiers tous ensemble. J’ai commencé par rappeler à l’ensemble des collaborateurs d’où on venait, et ce que nous avions traversé les années précédentes. Puis, nous avons discuté de ce que nous allions faire à l’avenir, le tout autour des cinq valeurs prônées par le club: esprit d’équipe, loyauté, engagement, humilité et respect.

Il y a un côté vertigineux dans cette tâche.

Cela demande de poser des bases solides. Mais surtout, cela demande de se poser de bonnes questions. La plus importante, elle est toute bête: Quelles sont nos valeurs? Elles sont venues d'une manière tellement naturelle parce que c'était l'opposé de ce qu'on était: arrogants, prétentieux, sans esprit d'équipe, individualistes et j'en passe. Ce que nous voulions être, c'était tout l'opposée. Et c'est ainsi qu'on a vraiment pu faire basculer le projet et l'entreprise.

Je ne veux pas trop parler du passé. Mais cette rupture était vraiment à ce point nécessaire?

Oui. Nous avions un constat clair et nous nous sommes fixés des objectifs. L'étape No 1 était finalement toute simple à identifier: Ce dont on avait besoin en premier lieu, c'était de reconstruire une base, qui soit une base dans laquelle il y ait du respect, de l'éthique et puis de l'humilité. Et ça, c'est essentiel avant d'aller demander aux gens de se surpasser et de fixer des objectifs toujours réalistes, mais ambitieux. On devait faire ce travail-là de nettoyage et de reconnexion à tous les niveaux, entre les employés, entre les départements, entre le sport, entre l'administration. Bref, entre tout le monde. Il fallait aussi recréer une ambiance de travail saine et sereine.

Cette réunion de mai 2023 était justement dans cette optique.

Bien sûr! Comment veux-tu que tout le monde tire à la même corde si tout le monde ne sait pas quel est l'objectif commun? Chaque personne de l'organisation a expliqué son travail aux autres. Tout le monde a vu l'intérêt de chaque maillon de la chaîne. Ça a permis de créer le point de départ pour créer un truc de groupe afin de concerner tout le monde. Je te donne un exemple tout bête: si tu expliques l'intérêt à la personne qui lave les couverts de bien le faire, car une personne va payer 450 francs pour manger avec, il se sentira valorisé. Idem pour l'importance de la personne qui aiguise les patins ou qui comptabilise des factures toute la journée devant son écran. S'il ne le fait pas bien, c'est toute l'organisation qui souffre.

C'était le cas?

Tu n'imagines même pas. Je te passe les exemples, mais nous devions retrouver de la rigueur et du plaisir dans notre travail, dans un environnement sain. Mais pour que chaque personne soit rigoureuse, elle ne peut pas se sentir prise en otage dans l'organisation. C'est là où il faut essayer de recréer un peu de poésie autour du projet pour que cet amour revienne.

Et là, on ne parle pas encore de l'amour du public qui n'est finalement qu'une conséquence de ce que tu décris.

Exactement, ça vient bien après ces premières étapes, ça. Ce travail ne se fait plus dans une entreprise qui roule. Soit parce qu'il n'a jamais été fait, soit parce que les valeurs cardinales sont claires. Nous, notre but, c'était de construire une marque et d'avoir une vision sans jamais l'abandonner. C'est notre pilier, notre socle. Durant la saison, tu peux être tenté de demander à Geoff (ndlr Ward, le coach) pourquoi il prend telle ou telle décision. Mais ce n'est pas mon rôle. Et cette liberté de travailler sereinement doit être présente à tous les étages. Pas uniquement dans l'aspect sportif. On a dû redonner confiance aux gens, puis des responsabilités. Je suis sûr que cela te paraît anodin, mais dans le contexte dans lequel nous nous trouvions, c'était une étape immense. Si notre staff est valorisé et écouté, il va accepter de donner 25% de plus pour son club.

Question peut-être un peu bête. Cette finale ne vient pas un peu tôt dans ce processus? Dans le sens où il peut y avoir un danger de brûler des étapes, non?

Non, tu as raison. Tout est allé un peu plus vite que prévu au niveau sportif. Mais tant mieux! Tant mieux car c'est un boost énorme à tous les niveaux. Cela nous aide au niveau des ventes, du ticketing, des futures ventes d'abonnement, du sponsoring. Bref, cela aura un impact positif sur l'ensemble du groupe. Mais on ne se laisse pas aveugler par les bons résultats. C'est fantastique ce qui nous arrive, mais cela ne doit pas nous faire dévier de notre plan. On se rend bien compte qu'il y a encore des corrections à effectuer à tous les niveaux.

Mais j'imagine que ces résultats crédibilisent ce qui a été fait, finalement.

Exactement. Ça redonne confiance là où on n'en avait plus. Avant, cela nous mettait probablement dans une situation peu idéale pour décrocher un nouveau partenariat ou convaincre un ancien abonné de reprendre sa carte de saison. S'il n'y a pas de respect ou d'humilité, il n'y a pas d'amour. C'est comme dans un couple.

Comment tu vas faire, justement, pour que cette saison ne crée pas des attentes intenables?On expliquera les choses en toute transparence. Notre saison sportive a évidemment créé des attentes, mais il ne faut surtout pas oublier d’où l’on vient, et où on était il y a un peu plus d’une année. Le travail qu’il nous reste à accomplir est encore énorme, tant au niveau sportif avec des contrats qui arrivent à échéance en fin de saison prochaine, qu’au niveau administratif. Faire comprendre à des joueurs que la réalité d'avant n'est plus celle d'aujourd'hui et qu'à Lausanne, on ne gagne pas plus qu'ailleurs.

Et donc qu'il faut signer au LHC pour autres choses.

Tu as bien résumé. Et nous devons leur offrir des conditions de travail optimales. Ce jour où les meilleurs joueurs viennent dans ce club, car ils ont une chance de jouer dans une équipe compétitive doit arriver. Si notre travail de stabilisation continue et si notre coaching staff de faire progresser les gars, cela arrivera.

Tu as l'impression que votre image a déjà été rétablie auprès des partenaires en Suisse, notamment en Suisse allemande?

Je le vois jour après jour. Je l'ai vu contre Davos puis contre Fribourg et maintenant lors de cette finale. Les Zurichois viennent nous dire que nous jouons du bon hockey. Et ce sera désormais l'étape 2 qui nous attend: confirmer, confirmer et encore confirmer. Cela ne veut pas dire que l'on sera en finale chaque année, mais que nous travaillons bien chaque année. Quand on nous demande d'organiser un Suisse - Lettonie, on ne leur dit pas non sous prétexte que le Mondial 2026 ne sera pas à Lausanne, mais à Fribourg. Ce serait ridicule. Il y a sûrement plein de gamins qui rêvent de voir jouer l'équipe de Suisse. C'est pour eux qu'on le fait.

Le plan était sur trois ans, n'est-ce pas?

Exact. Et on sait très bien qu'on ne va pas remplir la patinoire en étant humbles et respectueux et en disant bonjour à tout le monde. À un moment, il faudra appuyer sur l’accélérateur. Mais chaque chose en son temps. Là, j'ai surtout une pensée pour les dirigeants, employées et bénévoles qui sont passées avant nous au LHC et qui n'ont peut-être pas eu les conditions privilégiées comme nous les avons aujourd'hui. Il faut se rendre compte de la chance que l'on a et en profiter.

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